Croyances

LES SOURCES DE LA MÉCRÉANCE ET DE L'INNOVATION

Science du Monothéisme.

Signification apparente des Textes du Coran et de la Tradition

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  La sixième cause consiste à s'attacher, en matière des croyances de la Foi, à la signification apparente des Textes du Coran et de la Tradition, sans distinction entre ce qu'elle offre d'impossible ou de possible. 

   Il est évident que cette observation littérale des textes conduit à la mécréance ou à l'innovation. On a un exemple de mécréance dans la doctrine des Dualistes[1] qui affirment la divinité[2] de la lumière et des ténèbres et qui s'appuient sur ces paroles du Coran : « Dieu est la lumière des cieux et de la terre » (Coran XXIV 35), pour dire que l'une des deux divinités est la lumière[3] et se nomme Allah[4]. Ils ne prennent pas garde qu'il est impossible que la lumière soit Dieu, puisqu'elle est changeante, adventice (produite), naît et se modifie, que tantôt elle existe et tantôt cesse d'exister ; or, il est impossible que Dieu [naisse et] se modifie, et il est nécessairement éternel (qidam) dans le passé (sans commencement) et perpétuel (baqâ) dans l'avenir (sans fin). On est donc forcé d'admettre, pour ce verset du Coran, une signification autre que sa signification apparente, soit en s'en remettant à Dieu le Suzerain, Béni et Très Haut pour sa véritable signification, comme le faisaient, en pareille matière, les Anciens ; soit, suivant la doctrine de l'Imam Alharamain et de beaucoup d'autres docteurs en adoptant une signification applicable, d'après la manière de parler des Arabes[5], aux termes employé dans le Coran, puisque le Coran[6] a été révélé dans la langue des Arabes[7]

  Il existe à cet égard plusieurs théories qui sont exposées dans les livres d'exégèse coranique. On a dit notamment : Il est possible que les termes du Coran, aient été employés métaphoriquement et en matière de comparaison littéraire, la non-existence étant considéré comme une obscurité qui cache les êtres, le ciel[8], la terre[9] et ce qui les sépare. Et comme le passage [de ces créatures] de la non existence à l'existence, dans leur substance et dans leurs attributs, est subordonnée à leur existentiation (idjâd) par Dieu le Suzerain, l'Infini, le Béni et Très-Haut, de même que l'apparition des choses que nous cache l'obscurité est subordonnée à la diffusion de la lumière sur ces choses, on a pu dire, à ce point de vue que Dieu le Suzerain, Béni et Très Haut est la lumière[10] du ciel[11] et de la terre[12] ; ce qui signifie que c'est Dieu Majestueux et Élevé qui fait apparaître les cieux, les terres et tous les êtres, les créant d'abord, puis les entretenant, faisant durer leurs substances avec les accidents successifs qui les accompagnent, et qui sont si nombreux que Dieu Majestueux et Élevé seul peut les compter. Si Dieu le Suzerain, Béni et Très Haut ne répandait pas sur l'existence des créatures la lumière de Sa puissance, de Sa ­volonté et de Sa science, ces créatures demeureraient ­dans les ténèbres du néant durant l'Éternité de l'éternité. Aussi lorsque Dieu Pureté à Lui retirera à ce monde ce qu'il lui a départi du rayonnement de Ses attributs pour prolonger son existence et l'entretenir, ce monde s'effondrera et s'éva­nouira pour rentrer dans l'ombre du néant[13] où il se trouvait, jusqu'à ce que Dieu l'éclaire des rayons de Sa puissance, de Sa volonté et de Sa science au jour de la Résurrection et de la deuxième création. Alors, les créatures se mettront à marcher en se donnant de grands airs, revêtus du manteau de l'existence, allant et venant, et chacun d'eux se dirigera vers la destination que Dieu le Suzerain, l'Infini, Majestueux et Élevé lui a assignée pour l'Éternité. Ou peut dire, dès lors, en employant les métaphores, les tropes et les images variées de la langue des Arabes, que Dieu est la lumière du ciel et de la terre. 

   Il est encore possible que les mots « Dieu est lumière du ciel et de la terre » signifient que, par Lui, sont apparues les lumières sensibles de l'univers, telles que le soleil, la lune, les étoiles, les lampes ; ainsi que les lumières intelligibles, telles que les sciences des anges, celle des prophètes, des messagers, des pôles (kotb), des saints, des hommes vertueux et des savants et de tous les privilèges qui résultent des sciences lumineuses. La signification du passage en question serait donc que les cœurs et les organes de ces êtres tirent de Dieu seul, et non de leur propre état et de leur propre force, la lumière de leurs sciences, de leurs états et de leurs actes, et, par conséquent, que Dieu est leur lumière. Les métaphores et les comparaisons de ce genre sont encore aujourd'hui en usage dans le public. On dit d'un homme de qui dépendent la bonne gestion des affaires d'une ville et des intérêts de ses habitants et leur tranquillité : "Un tel est la lumière de la ville", c'est-à-dire : c'est par lui que ce qu'elle a de beau apparaît aux yeux de tous. Mais Dieu seul sait exactement ce qu'il a entendu dire par ces mots. 

   Quant à l'innovation qui résulte de l'attachement trop rigoureux à la lettre du Coran et de la Tradition, elle est très fréquente. Telle est celle des Corporalistes[14], qui affirment la corporalité de Dieu en s'appuyant sur le sens apparent des mots : « A ce que J'ai créé de Mes mains » (Coran XXXVIII 75), et sur d'autres passages semblables. Ils attribuent également à Dieu la position d'en haut[15] en ce sens qu'il aurait, comme les corps un volume et occuperait une portion de l'espace, se fondant pour cela sur ces versets du Coran : « Dieu siège sur le trône[16] » (Coran XX 5), « Ils craignent leur Seigneur, qui les domine d'en haut » (Coran XVI 50), etc. En outre, ils voient la preuve de la corporalité de Dieu, de Sa localisation, de Son passage de l'état de mouvement à celui de repos, dans ces paroles du Prophète (sur lui Prière et Paix !) « Dieu descend vers le ciel du monde lorsque arrive le dernier tiers de la nuit.» Au surplus, les passages allégoriques que l'on trouve dans le Coran et dans la Tradition sont nombreux. Les Savants ont composé des volumes pour les réunir et pour les examiner. 

   La règle générale à suivre à l'égard de tous ces passages allégoriques des textes sacrés est celle-ci : Tout passage dont le sens apparent offre une impossibilité est examiné avec attention. S'il ne peut être interprété que dans un sens, c'est dans ce sens qu'il faut le prendre. Soit ce passage du Coran « Il est avec vous en quelque lieu que vous soyez » (Coran LVII 4). Que Dieu soit avec les hommes en un point de l'espace, cela est impossible, parce que le volume et la localisation sont des attributs particuliers aux corps. On est donc obligé de chercher un sens autre que le sens apparent. Or, ce passage n'admet qu'une interprétation, indiquée par l'enchaînement des idées : c'est que Dieu sait, voit et entend tout ce qui concerne les hommes

   Pour les passages qui admettent plus d'une interprétation, comme ceux-ci. « L'Arche voguait sous nos yeux » (Coran LIV 14), « Ce que J'ai créé de Mes mains » (Coran XXXVIII 75), « Dieu siège sur le trône » (Coran XX 4), trois systèmes ont été proposés par les savants : 

   Dans le premier système, il faut s'en remettre à Dieu pour la signification de ses paroles, tout en écartant d'une manière absolue la signification apparente qui est impossible. Ce système est celui des Anciens[17]. Aussi, lorsque quelqu'un interrogea Malek fils d'Anas (que Dieu l'agrée !) sur la signification des mots « Dieu siège sur le Trône », Malek répondit : « Siéger, on sait ce que cela signifie ; de quelle manière, on n'en sait rien, et s'en informer c'est une innovation. » Puis il ordonna de faire sortir l'homme qui l'avait questionné. Malek entendait par là ­que siéger est un terme dont on connaît, dans la langue des Arabes, les significations figurées, applicables à Dieu ; que nous ignorons, dans ces acceptions et dans celles qui nous échappent, quelle est celle que Dieu a donnée à ses paroles ; que vouloir faire préciser ce que le texte de la Loi n'a pas précise, c'est une innovation ; que l'impie est un homme pervers, dont il faut s'éloigner et qu'il faut expulser des réunions de Savants, pour qu'il ne jette pas le trouble dans l'esprit des Soumis[18] par la manifestation de son innovation. 

   Dans le deuxième système, il est permis d'assigner aux passages allégoriques des textes une interprétation déterminée et de préférer cette interprétation à tout autre, en s'appuyant soit sur l'enchaînement des idées, soit sur la fréquence de l'emploi des termes par les Arabes dans le sens de cette interprétation. On interprète ainsi le mot œil dans le sens de science[19], ou vue, ou de protection ; le mot main dans le sens de puissance ou de bienfait ; le mot siéger dans le sens de dominer. Ce système est celui de l'Imam Alharamain[20] et d'un grand nombre de Savants

   Dans le troisième système, on donne aux termes allégoriques des Textes sacrés le sens qui reconnaît à Dieu des attributs appropriés à Sa splendeur et à Sa beauté, sans que nous connaissions la vraie nature de ces attributs. Ce système est celui du chef des Monothéistes orthodoxes, Abou Hassan Alach'ari[21] (que Dieu lui fasse miséricorde !).    

   J'ajoute que, si on est prudent et si, en proposant l'interprétation d'un terme allégorique, on la mentionne seulement comme possible, en disant « Il est possible que le sens de ce verset ou de ce logia[22] soit celui-ci », on est à l'abri de tout reproche de témérité ou d'inconvenance pour avoir proposé une interprétation à l'appui de laquelle il n'existe pas de preuve certaine[23]. (à suivre)


[1] A l'instar des Mages, du Magisme.
[2] On a dit : Le mot arabe ouloûhiyah est dérivé du mot ilâh, qui signifie "divinité" ou "dieu" (dans un sens général que nous indiquons par l'initiale minuscule). On pourrait rendre ouloûhiyah par "Divinité", mais avec cette réserve que ce mot doit désigner alors "la qualité de divinité" et non pas "l'Être Divin".
[3] Selon nos pieux Savants : "Rien n'est à Sa ressemblance, alors qu'Il est l'Audient, le Voyant (Coran XLII 11)." Il n'a nul semblable et nul pendant (nazhîr), nul aide et nul auxiliaire, nul associé et nul ministre, nul pair et nul conseiller. Il n'est pas un corps, car Il serait touchable, ni une substance car Il serait perceptible, ni un accident, car Il serait transitoire, ni ayant de composition, car Il serait divisible, ni ayant d'organe, car Il serait représentable, ni ayant de complexion, car Il serait susceptible de modalités, ni ayant de quiddité imaginable, car Il serait définissable, ni ayant une nature spécifique (tabî'a). Il n'est pas un astre, ni une ténèbre qui se manifeste, ni une lumière qui brille.
[4] Les gens de l'Évangile nomment Dieu également Allah. Ne pas confondre avec l'idole alllât (Coran LIII 19) adorée, au temps de l'Ignorance, à Taïf, en Arabie. Et c’est justement cette idole que partie du monde de l’Évangile croit que nous adorons !
[5] Non de notre époque, mais plutôt de l'époque ancienne. Notamment du temps de la Révélation.
[6] L'arabe est la langue sacrée de l'ensemble du monde islamique. Pour les gens de la Thora, ce sera l'hébreu. Pour les gens de l'Évangile, n'ayant aucune langue sacrée, cela les exaspère quant on en parle et on traite de ce sujet. Pourtant, c'est bien à travers la langue grecque que fut établi les deux prétendues natures du le fils de Marie (sur lui la Paix !). Pendant près de 5e siècle, cette langue accompagnera et ne quittera pas les théologiens et les exégètes de l'Évangile.
[7] Des Arabes qoreichites.
[8] Les cieux.
[9] les terres.
[10] Selon l'Imam Ghazali (que Dieu lui fasse miséricorde !) : "Le terme de "lumière" (noûr) appliqué à autre chose qu'à la Lumière principielle (alnoûr alawwal) est pure métaphore (madjâz) ; en effet tout ce qui est autre qu'Elle, si on le considère dans son essence et en tant qu'essence, n'a pas de lumière en propre ; bien plus, sa nature lumineuse est "empruntée" (mousta'âra) à autre que lui, et sa nature lumineuse empruntée ne subsiste pas par elle-même mais par autre qu'elle. Et la relation entre celui à qui on emprunte (mousta'âr) et celui qui emprunte (mousta'îr) est pure métaphore ou "pur transfert" (madjaz mahd). Considérez ceci : celui qui emprunte des vêtements, un cheval, des étriers et une selle, et qui enfourche la monture sur laquelle l'installe celui qui lui prête tout cela, est-il riche en vérité ou métaphoriquement (bil haqîqa aou bil madjaz) ? Le riche est-il celui qui prête (mou'îr) ou celui qui emprunte (mousta'îr) ? Le riche est uniquement celui qui prête, car c'est de lui que vient le prêt et le don, et c'est lui qui peut réclamer et enlever. Dans ces conditions, c'est la Lumière véritable (alnour alhaqq) qui détient la Création et l'Ordre (alkhalq wal amr), c'est Elle qui donne la lumière d'abord et qui la maintient ensuite en permanence."
[11] des cieux.
[12] des terres.
[13] Dans le Tabernacle des Lumières, à l'Imam Ghazalî (que Dieu lui fasse miséricorde !) d'écrire : "Les créatures sont soumises à jamais à la disparition, à l'apparition, au changement, à la destruction, et au passage d'une situation à une autre. "De même qu'Il vous a créés une première fois, vous retournerez." Elles existent par autre qu'elles, et l'existence pour elles est un prêt, un transfert (madjâz) et un emprunt (mousta'âr), et si l'existence était pour elles une vérité (haqîqa), elle serait semblable à l'existence de l'Être ; Dieu est sublime et trop haut pour cela. Assurément toute chose sauf Dieu est illusoire" et "Toute chose est périssable sauf Sa face" que Sa majesté est grande ! Ainsi vous comprendrez qu'absolument rien ne peut coexister avec Lui (exalté soit-Il !) puisque les choses sont soumises à la destruction et aux vicissitudes. Et tout ce que les êtres possibles (moumkinât) obtiennent de l'Être divin (exalté soit-Il !) est que se lève sur eux le soleil de l'existentiation, et s'Il s'abstenait un instant de renouveler leur existentation, ils seraient anéantis immédiatement, instantanément."
[14] Dans le cas des versets anthropomorphiques (moutachâbih) concernant les Attributs, l'expression générale qui résume tout consiste à dire : j'ai foi en ce que Dieu a dit, selon ce qu'Il a voulu dire, et j'ai foi en ce que le Messager de Dieu a dit, selon ce qu'il a voulu dire.
[15] A l'instar, dit-on, du fils de Taymiyah. Certaines paroles le concernant, dont notamment sur l'interprétation de versets du Coran, comme XX 4 ; de la "descente" des versets coraniques, etc.; tout cela a toujours été et reste un sujet de violentes polémiques, de verse et de controverse, entre les croyants soumis. Entre partisans et adversaires de celui-ci.
[16] Quand Il l'a voulu, Il a siégé sur Son trône ('arch), et comme Il l'a voulu, et selon le sens qu'Il a voulu ; de même que le Trône et ce qui n'est pas Lui tiennent de Lui leur équilibre (istiwâ). On rapporte d'après mère Salama (que Dieu soit satisfait d'elle !) l'épouse du prophète (que Dieu prie sur lui et le salue !) au sujet de Sa parole (exalté soit-Il !) : "Le Tout-Miséricordieux se tint sur le Trône", qu'à la question "comment" ?" (kayfa), il répondit : le "comment" n'est pas compréhensible (ma'qoul), mais le fait de la Session n'est pas ignoré (madjoûl), le reconnaître fait partie de la foi, le nier est mécréance." 
[17] Arabe, Salaf, sous-entendu : les Compagnons et ceux qui viendront après eux. Rien à voir avec la secte (de nos jours) dite des Salafistes. Nos Anciens, en effet, sont purs de ce qu’ils décrivent et leurs associent !
[18] courant : musulmans.
[19] Les gens se réclamant du Maître Abd Allah, l’Éthiopien voient que les mots arabes : yad (main), ‘ain (œil), etc., ne peuvent et ne doivent pas être traduit en une langue étrangère. Point de vue que ne partage pas forcément les gens du Monothéisme.
[20] Parmi les grandes figures que l'Ecole ach'arite a produites au cours des temps, on doit nommer : Aboû Bakr Albâqillânî (ob. 403/1013) auteur du Livre Altamhîd qui est le premier essai de doter l'ach'arisme d'un vrai système doctrinal ;  le fils (ibn) Foûrak (Aboû Bakr Mohammad fils de Hassan, ob. 400/1015) ; Aboû Ishaq Alisfarâ'nî (ob. 418/1037) ;  Aboû Ja'far Ahmad fils de Mohammad Alsemnâni (ob. 444/1052) ; Imam Alharamayn (Aldjouaynî, ob. 478/1085), dont l'ouvrage, le Livre Alirchâd, est considéré comme la forme achevée de l'ach'arisme ; le célèbre Ghazalî (ob. 505/1011) ; le fils de Toûmart (ob. Vers 524/1030) ; Sharastâni (ob. 548/1153) ; Fakhrouddîn Râzî (ob. 606/1210) ; 'Adod Aldîn Idjî (ob. Vers 756/1355) ; Djordjâni (ob. 816/1413) ; Sanoussî (ob. 895/1490). (V. H. Corbin. Histoire de la philosophie islamique.).
[21] Que le monde salafite cherche coûte que coûte à faire passer auprès de notre Communauté comme un égaré et un innovateur, voire un associateur ou un mécréant ? Lui et tous ceux qui le suivent ! Ainsi nos Savants se voient discrédités et traînés dans la boue.
[22] Parole. En arabe, alhadith.
[23] Noter cette importante remarque.



Point de divinité, de dieu que Dieu !
« Vulnerant omnes, ultima necat. »
Nous ne le dirons jamais assez.
Explicit totus liber.

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. /Fait : Le 30/09/05

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